16/05/2013
Sous cette forme là ou sous une autre, ce n'est plus la peine, dissolvons-le.
(Maurice Pialat en 1987, il y a 26 ans. Bien regarder la tête de Christophe Lambert et Catherine Deneuve qui n'ont pas encore compris)
Hier soir Louise regardait sur Canal + l'ouverture du festival de Cannes et avait envie que je regarde avec elle. J'ai donc regardé et écouté le baratin d'Audrey Tautou (qui déjà, je le reconnais n'est pas du tout ma tasse de thé) et j'ai eu honte pour elle, pour nous qui regardions, qui écoutions son discours maniéré de "cérémonie d'ouverture" -sic- , un texte appris par coeur, idiot à pleurer de nunucherie et de minauderie. C'est le festival de Cannes tel qu'il est, un sommet de machin figé, confit dans la répétition et le gaspillage, l'hypocrisie et la bêtise, sinistre au- delà de tout et à côté de quoi un congrès de la CGT apparait comme d'une fraîcheur et d'une gaité sans pareille.
Sous cette forme là ou sous une autre, dissolvons le festival de Cannes!
C'est vrai qu'Audrey Tautou + Léonardo de Caprio...comment dire? Chacun séparément c'est pénible mais ensemble, misère !
Et la "maîtresse de cérémonie" a fini comme ça: "Et je vous donne rendez-vous dimanche en huit, pour une séance de tachicardie collective". A se flinguer de vulgarité.
En plus, il a fallu expliquer à Louise ce que veut dire "en huit". Merci bien !
Pialat en 1987 au festival de Cannes: "Je ne vous aime pas non plus", au moment de la remise de sa palme d'or.
05:08 | Lien permanent | Commentaires (12)
15/05/2013
Une lettre d'amour de Manon Baletti à Casanova
Manon Baletti (Jean-Marc Nattier, 1757- National Gallery, Londres)
"Ah ! que M. mon frère m'ennuie ! Il est excédant et l'on ne peut pas être plus gauche qu'il ne l'est, à sa garde ; mais ne parlons pas de lui, car il m'a cosi mis de mauvaise humeur, que je ne veux point du tout l'être avec vous.
Je vais répondre exactement à votre dernière lettre. Vous commencez par m'exagérer beaucoup votre amour, je le crois sincère, il me flatte, et je ne désire autre chose que de le voir durer toujours. Durera-t-il ? Je sais bien que vous allez vous révolter contre mon doute ; mais enfin, mon cher ami, dépend-il de vous de cesser de m'aimer ? ou de m'aimer toujours ?
Mais, passons, car je crois que ces craintes ne vous plaisent pas beaucoup. La crainte que vous me marquez sur l'incertitude et la réussite de vos projets me flatte, parce qu'elle me prouve votre amour, et l'envie que vous auriez de me rendre heureuse en tout point. Je vous assure que je me le trouverai si je puis être à vous et si vous me conservez toujours cette tendresse que vous me devez pour accompagner la mienne. Mais je ne veux point que vos craintes vous fassent me dire de tâcher de vous oublier.
Moi, vous oublier ! moi, cesser de vous aimer, quand j'ai osé vous le dire ! Ah ! vous ne me connaissez pas ! Si vous saviez les efforts que j'ai faits pour vaincre le penchant que je me sentais pour vous quand j'ai commencé à l'apercevoir ! A présent je puis vous le dire, puisque heureusement ou malheureusement je n'y ai pas réussi.
Mais cela m'a donné bien de la peine inutile. J'ai commencé par croire que la complaisance que je m'apercevais avoir pour vous, n'était qu'une simple amitié, mais des plus simples ; je m'amusais avec vous plus qu'avec qui que ce soit, mais je me disais : «Il est gai, il a de l'esprit, cela n'est pas étonnant» ; mais enfin je me trouvais inquiète ; quand vous passiez un jour sans venir au logis, j'étais triste, sérieuse, et je trouvais qu'en rêvant, je ne pensais qu'à vous. Ah ! j'ai frémi, je me suis aperçue du penchant que je prenais pour vous, et l'épouvante s'est emparée de moi. «Que fais-je ? me disais-je ; sur le point d'épouser un homme à qui l'on m'a promise, auquel je me suis aussi promise moi-même, je vais prendre de l'inclination pour un homme que je ne verrai peut-être bientôt plus, qui ne m'aime pas» ; car alors je croyais de bonne foi que vous ne m'aimiez pas ; «que deviendrais-je ? Que je suis imprudente, ridicule ! aimer quelqu'un qui n'a que de l'indifférence, c'est se rendre malheureuse». Mais quelquefois je me figurais que vous pourriez peut-être m'aimer aussi, que vous n'osiez me donner des marques de votre amour à cause des circonstances qui ne vous le permettaient pas.
Les choses sont changées ; il y a eu un disgracié qui vous a fait tout à fait connaître ; je vous ai démasqué et cela ne vous a pas fait du tort dans mon coeur ! Puisse cette tendre amitié que nous avons l'un pour l'autre être heureuse ! Elle peut faire notre bonheur ou notre malheur ; quelle dure alternative ! Il est cosi fâcheux d'aimer !
Mais bonsoir, mon cher ami, je me meurs de sommeil ; ma plume tombe de mes mains, mes yeux se ferment ; mais comme ce n'est point tout cela qui vous écrit, je vais toujours ; mais il n'y a pas moyen, je dors tout de bon.
Bonsoir, bonsoir, mon bon ami, aimez-moi toujours bien. Si vous vouliez me rendre bien contente, vous brûleriez mes lettres ! Je rêve que je vous dis que je vous aime !"
(avril 1757)
(détail)
20:56 | Lien permanent | Commentaires (2)
17 rue Saint-Paul
La galerie Oblique est 17 rue Saint-Paul à Paris. Sortez vos biftons si vous voulez acheter les planches originales de Tardi qui y sont exposées. C'est une exposition-vente.
A propos de billets, j'ai été mouchée hier à juste titre (c'est peut-être un pléonasme pour "mouchée" ?) par le gars d'un kiosque à journaux de Montreuil. Je lui ai tendu pour payer Le Monde (dont les éditoriaux semblent désormais hélas écrits par le Figaro) un billet de 5 euros roulé en boule. Ilm'a dit: "C'est une insulte Madame. On ne donne pas les billets comme ça aux commerçants. Cinq euros c'est de l'argent. On plie son billet. Cinq euros ça ne se gagne pas comme ça. C'est une insulte je vous dis".
J'étais confuse. Moi mes billets sont souvent chiffonnés et je me suis rendue compte que ce n'est sans doute pas un hasard. Parce que je les traite comme des bouts de papier comme pour dire que l'argent n'a pas d'importance. Qu'il est méprisable. Que finalement quand j'achète le Monde c'est secondaire, je viens, je lui dis bonjour, c'est un gars algérien d'une soixantaine d'années très costaud avec qui j'ai un lien presque quotidien, que bon il n'y a pas d'argent entre nous.
Il a lissé avec respect le billet, il l'a plié proprement. Il m'a renvoyée à moi-même, à mon refus persistant de compter de façon régulière, à mon comportement d'autruche avec l'argent. J'admire qu'il ait pris la peine de me le dire aussi clairement. Je lui ai dit qu'il avait raison. Au début j'ai essayé de plaisanter un peu pour m'en tirer. Et puis j'ai baissé la garde. Il a vraiment raison.
10:28 | Lien permanent | Commentaires (5)