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23/12/2014

Pouët pouët

avond-evening-the-red-tree-1910.jpgVous voyez ce tableau sublime (qui est dans un musée de La Hague)  ? C'est un tableau de Mondrian, peint  en 1910.

 

Mon contrat ne durait qu'un mois, mais j'en ai eu tout de suite un autre, d'un mois aussi, dans une autre Fnac, de l'autre côté de la Seine, et j'ai passé janvier à la Fnac Forum au rayon des livres d'enfants. La Fnac Forum était en ce temps-là une caverne d'Ali-Baba, car même si elle reste celle aujourd'hui qui offre le plus de choix, cela n'a rien à voir avec ce que c'était. J'avais été engagée pour remplacer un vendeur qui était en vacances après la période de Noël et j'avais été affectée à un rayon très précis au sein du rayon immense, géantissime, des livres d'enfants: les livres pour les "0-3 ans" ! Bref je ne touchais que les livres en tissu ou en carton ou qui faisaient pouet pouet quand on appuyait dessus. Je ne devais pas sortir de ce périmètre qui était d'ailleurs très vaste. Bien sûr je ne connaissais personne et il n' y avait pas Chabi. Il y avait un type qui s'appelait Denis, très content aussi de lui, il se prenait pour Che Guevara mais c'était un type minable. Je ne savais pas que quelques années plus tard je passerais avec lui et son amoureuse de l'époque et le mien de l'époque un week-end archi chiant dans la campagne de Chatellerault. Week-end qui fut fatal, et heureusement, à nos relations. Donc je ne connaissais personne. Je mangeais seule un sandwich le midi à la surface (puisque le Forum est enseveli sous la terre) dans ce quartier de Paris que je n'aime pas du tout.

Je ne me souviens pas de grand chose, sauf que m'étais acheté une chemise rayée bleue que j'adorais. Je dormais à Versailles chez mon oncle et ma tante. J'espérais avoir un autre contrat, retourner à la Fnac Montparnasse.

Ce qui n'a pas eu lieu.

à suivre....

 

22/12/2014

Le goût du vin

7_766bg.jpg...Donc le 1er décembre il neigeait, le 5 Romain Gary est mort, le 8 John Lennon a été assassiné.  Au rayon Vie Pratique  ne travaillait pas seulement Pudespieds. Il y avait une quantité d'autres vendeurs. Ce n'était pas encore le temps de la réduction des effectifs. Les affaires battaient tellement leur plein que les samedis de décembre les portes du magasin fermaient pour ne pas laisser entrer trop de clients ! Il y en avait tellement que c'était dangereux pour la sécurité.Vous imaginez ça ? Un commerce qui ferme au nez la porte aux clients?

Il y avait donc aussi Chabi. Je n'ai jamais su si c'était son prénom ou son nom.Il était tunisien et extrêmement gentil. Il m'avait dit "Quand j'irai prendre ma retraite en Tunisie, tu viendras t'installer avec moi. Tu n'auras pas à travailler. Tu ne seras pas ma femme t'inquiètes pas. Mais tu es trop gentille pour travailler. Il faut que tu vives au soleil près de la mer sans te soucier de rien". Chabi était une bulle de réconfort pour moi. En cas de difficulté avec un client, il se précipitait pour s'interposer pour que je n'aie pas de problème, il m'aidait à porter les cartons,  il me protégeait. C'est affreux, je l'avais oublié. C'est en écrivant ces lignes que je me suis souvenue de lui et sans doute que je ne mesurais pas, même si sa présence me rassurait, à quel point cet ange gardien me faisait du bien. On ne peut pas dire que je lui ai rendu grand chose. Ma timidité et ma frayeur de tout m'y rendaient complètement inaptes.

Je me souviens du best-seller de ce Noël-là, en tous cas à la...Vie Pratique, c'était un coffret rempli de petites fioles et qui s'appelait Le goût du vin, d'Emile Peynaud. J'ai revu ce coffret que je n'avais pas vu depuis 34 ans, dans une autre Fnac il y a un mois. Emile Peynaud est un oenologue et un chimiste qui est né en 1912. J'imagine qu'il avait dû passer à Apostrophes et que Pivot , amateur lui aussi de bordeaux, l'avait rendu célèbre. Je viens de vérifier et c'est exactement ça.

A cette époque les clients téléphonaient beaucoup, pour savoir si un livre était là ou même pour demander des conseils. Une fois une dame avait appelé pour demander la recette des profiterolles, gourde comme j'étais je ne savais pas que j'aurais pu ne pas accéder à sa demande, mais les clients me faisaient trop peur, et je lui avais dicté toute la recette des profiterolles trouvée dans un des livres de cuisine du rayon,  au téléphone ! Je crois que Pudespieds m'avait passé un savon.

A cette époque les représentants couvraient les vendeurs de cadeaux, des corbeilles de chocolats, de fruits confits, du champagne. Des pots mémorables avaient lieu dans les réserves pendant le temps de travail et très souvent les vendeurs étaient ivres morts, chantaient, fumaient, s'embrassaient, laissant dans l'euphorie de Noël où les livres se vendaient tout seuls, les clients se débrouiller. enfin...se débrouiller avec moi qui n'avais ni l'envie ni l'audace de picoler avec les autres dans les coulisses. J'avais mes jambes de 26 ans, j'étais infatigable, j'étais portée par la foule et par cette gaité qu'on ne peut pas imaginer maintenant du personnel, qui n'était absolument pas encadré, surveillé. D'ailleurs les chefs faisaient pareil. Ils n'étaient pas les derniers à s'envoyer des coups derrière la cravate soit dans les réserves soit au bistrot d'en bas qui comme plein de bistrots avait été surnommé L'Annexe.

Pourquoi tous ces cadeaux de la part des représentants? Parce qu'avant d'être vendeurs, les vendeurs étaient acheteurs, c'est à dire achetaient les livres aux éditeurs, et avaient quartier libre, chèque ouvert pour constituer leurs rayons.

Avec beaucoup de compétence la plupart du temps, mais il y avait aussi des dingues. Je me souviens d'un gars au rayon jeunesse où j'ai travaillé ensuite, qui avait commandé par 10 exemplaires chacun des livres de poésie pour enfant des éditions Ouvrières qui bien sûr ne se vendaient absolument pas.

Compétents mais souvent mal embouchés avec les clients. A part Chabi hein. Un vendeur du rayon Histoire répondait avec suffisance, l'air hautain, ulcéré,  et invariablement, aux clients qui venaient chercher un livre sur François 1er, Henri IV ou Louis XIV: "Je ne suis pas royaliste moi Madame, Monsieur, adressez-vous à un collègue" .Il ajoutait aimablement: "S'il vous répond".

PS: le billet précédent où je raconte que je vendais plein de livres ne se passe pas du tout à cette époque de mes "débuts", vous l'avez deviné. A mes débuts, je pataugeais.

 

 

 

 

 

Le petit frisottis à droite échappé de ses cheveux

raphae10.jpgRaphaël