Les saisons de l'amour

C'est dans le train ce soir. Il a neigé toute la journée. Le train est tellement - je cherche un synonyme à "bondé"- qui aurait un synonyme pour "bondé"?- que debout serrée contre un jeune homme, grand, plutôt "de bonne famille", je peux lire le livre que debout il lit avec attention, autant que lui. Le livre s'appelle "Les saisons de l'amour" et le chapitre qu'il lit: "Les relations harmonieuses".

Je vois ce très jeune homme en caban qui lit dans ce livre ce que l'auteur dit. Je lis: "L'amour est saisonnier". Et j'aimerais tellement lui enlever ce livre, lui dire "ne lis pas ces bêtises",et si j'avais 20 ans l'embrasser sur la bouche devant tout le monde, le prendre par la main et partir avec lui dans la neige. J'espère qu'elle sera là demain, après-demain, vite, la jeune fille qui balancera son livre idiot par la fenêtre du train. Je lui dirais "regarde, idiot,  il neige en mars, il n'y a pas de saison, ni pour la neige ni pour l'amour!"

J'écris en écoutant le Stabat Mater de Vivaldi, version Lemieux et Jaroussky avec Spinosi comme chef, et qui est la plus belle chose au monde, avec l'amour. Qui n'a ni saisons ni raison.

 

 

 

Les pivoines jaunes

                                          photo:pépiniériste Jacques Briand

 

Pendant que j'écris, il neige à gros flocons, tout est devenu blanc.

Rien de spécial au travail aujourd'hui après ces 4 jours de vacances, sauf...Sauf que oui, quelque chose de spécial: une conversation à propos de pivoines jaunes. Un type d'un certain âge, balèze, genre bagnard, il pourrait jouer Jean Valjean, qui, enfin bon je ne vais pas raconter sa vie, j'aimerais bien mais il n'aimerait pas, un dur à qui on ne la raconte pas. Pas un collègue hein. Enfin voilà, je ne sais pas comment c'est arrivé mais soudain alors que je le croise depuis quelques mois sans davantage que "passe-moi le sel" (enfin, passe-moi le sel professionnel) il me dit "Je collectionne les pivoines". Oh merveille, il a dit ça: "Je collectionne les pivoines". Et il s'est mis à me parler de ses pivoines qui sont jaunes. Je ne savais pas que ça existait des pivoines jaunes. Il m'a dit aussi qu'il n'aime pas le lilas, "parce que tout le monde aime le lilas" -sic!- mais qu'il aime bien les rosiers quoique  la terre de son jardin soit trop riche, trop noire pour les rosiers. "Mais les pivoines s'y plaisent" a-t-il dit, en ajoutant "et du moment qu'elles s'y plaisent elles sont heureuses".

Ce soir je découvre que les pivoines jaunes sont "arbustives" et comprends pourquoi il m'a dit "elles poussent en buisson, elles sont hautes comme ça".

Avant-hier aussi, cette phrase de Chateaubriand *(dans une lettre à son  amie Cordelia) à propos des lettres que lui écrit sa femme: "Elle m'écrit des lettres moitié lamentables, moitié à crever de rire"!* Souvent j'aimerais que Chateaubriand soit là avec moi.

 

* Correspondance générale, Tome VII, Gallimard

Droit au coeur !

photo: Hervé

 

 

 

Merci beaucoup pour cette photo qui me va droit au coeur !