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22/09/2012

Juste avant

Elizabeth R. Finley, The Japanese Fan.jpg

Elisabeth R. Finley

 

Juste avant la réunion c'est un moment difficile pour le chef. Encore plus pour le nouveau chef. Réunion à 14h, annoncée une semaine plus tôt. A 14h tout le monde est assis à son bureau très concentré, ne montrant aucun signe visible de connaissance qu'une réunion est censée commencer, tout en le sachant parfaitement bien sûr.

Personne ne va aux toilettes, personne ne bouge, aucun déplacement jusqu'à la machine à café, aucune allée et venue entre deux bureaux, personne n'a rien à photocopier, aucun bavardage, aucune conversation. Je vous dis: la concentration est extrême. des statues de sel penchées sur leur travail ou devant leur ordi.

L'écran est scruté comme si le petit oiseau allait sortir. L'enjeu? Savoir combien de temps le chef, à fortiori le nouveau, va tenir avant de dire quelque chose du genre "on y va?" d'un air enjoué aussi naturel que les boucles de Valérie Trierwiller.

Il est 14h 04. On attend. Si le téléphone sonne, c'est encore mieux. On montre qu'on traite une affaire bien plus importante que toutes les réunions du monde. 14h 05, c'est un bras de fer. Le nouveau chef qui pense à cette 1ère réunion depuis le matin, avec autant d'anxiété que de gourmandise, compte aussi les minutes. Il se demande dans sa petite tête de nouveau chef si c'est mauvais signe que personne ne bouge. Il espère ne pas avoir à aller chercher tout le monde. Il espère que ce n'est pas parce qu'"ils" se disent: "on va pas te faire l'honneur d'aller dans la salle de réunion comme ça. C'est toi qui a convoqué la réunion, on s'y trainera au dernier moment et crois nous, on sait faire." Si, si, c'est ça, ils se le disent.

Donc le premier qui parle de la réunion est mort.

A un moment quand même, quelqu'un dit "On y va?" (pas moi !)avec un ton qui marque bien que tout le monde sait qu'il est presque 14h10 et que donc ça veut dire: ce chef a peur.

Celui ou celle qui dit "on y va" disparait ensuite immédiatement aux toilettes, et en général ça sera le dernier à entrer dans la salle. Chef, ne te fie jamais à celui qui dit "on y va" !

Bon, j'en ai marre. je vais dans la salle de réunion. Personne. Et puis aussitôt le voilà. Il dit avec une gaité qui fait peine "ah ben quand même ya quelqu'un". Mais je suis sûre qu'il pensait qu'on était plus nombreux. Il ressort et revient en traînant un paperboard avec une tête de père courage.

On est trois maintenant. Sans compter le paperboard. Quelqu'un dit: "Mais qu'est ce qu'ils foutent?".

Lui, son sourire est accroché sur son visage, il s'est juré qu'il ne l'enlèverait que sur le paillasson de sa maison. Il voudrait être à mille kilomètres et en même temps il est fier d'être là, d'être chef, il est content d'avoir décroché ce travail, il se dit c'est normal, il se dit "ils sont horribles", il nous trouve horribles. Il dira sans doute ensuite à sa hiérarchie: "C'est dur de faire changer leurs petites habitudes".

A nous quelques minutes après le début de la réunion il dit: "je veux faire bouger les lignes". Je sais aussitôt, pas la peine d'être Einstein, que sur la forme et sur le fond, sur la formfon, on va en baver.

 

 

 

21/09/2012

T'as vu? C'est Annie Ernaux sur le trottoir d'en face

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- T'as vu? C'est Annie Ernaux sur le trottoir d'en face

- Tu crois?

- C'est sûr elle a un parapluie bien pensant

- Ah oui c'est vrai. C'est moche d'ailleurs

- Oui forcément c'est un parapluie certifié qui ne fait pas honte aux parapluies

- Comment ça certifié? tu rigoles?

- Pas du tout, il y a une norme iso 2000 maintenant pour les parapluies

- Sans blague? Comme pour la littérature?

- Ben oui, un parapluie qui ne déhonore pas la parapluyade

- Alors t'as raison, c'est elle.

 

 

Quand Degas

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Quand Degas a fait ce portrait de moi, soit j'avais mangé un truc pas bon à la cantine, soit je me demandais bon sang à la fin qui dirigera l'UMP. J'étais préoccupée. J'étais dans mes pensées. J'avais une crampe au bras. En plus je ne suis pas gauchère et il voulait absolument que je porte l'éventail à la main gauche. Entre nous quel cinéma.

En plus moi je voulais que ça soit Xavier Bertrand. Il est tellement sympathique. Vous savez qu'il veut être président de la république? Misère, dirait mon beau frère. Enfin voilà cette séance de pose a duré des heures, à la fin j'en avais ma claque et c'est comme ça qu'entre l'atelier et le vestiaire (chez Degas il y a un vestiaire pour les modèles, c'est des armoires metalliques avec dessus des autocollants de Solidarnosc), j'ai perdu mon éventail.

Voilà pourquoi maintenant, j'écoute seulement la pluie qui passe. Priez pour moi.