La duchesse ne jouera pas la finale de Roland Garros

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Sue Williams

 

 Depuis longtemps, la grande duchesse traînait un mal de genou, le genou droit (elle vous dit tout, elle ne cache rien). Depuis lundi elle avait de plus en plus mal, hier soir encore plus, et ce matin son genou était bloqué, impossible d'aller travailler. (Le polype est descendu dans le genou ?) Bref, le médecin consulté ce matin,  a prescrit radio et IRM. Il pense que le ménisque est fissuré ou fendu. Palpitants bulletins de santé en vue. La grande duchesse ne pourra donc pas gémir aujourd'hui sur la chaleur dans les transports: elle reste chez elle, au frais, et sauf le genou en marmelade elle se porte comme un charme, tout va bien, elle est heureuse (en vrai !).

 

 

La grande duchesse reprend le travail

 Fraîche et pimpante  avec une mine de déterrée malgré son maquillage, -et en plus elle a les cheveux sales- la grande duchesse sort ce matin, de bon matin, vers sept heures moins le quart, de son château. Les oiseaux chantent sous les tilleuls du parc, et au volant de sa mercedes son chauffeur l'attend en 10 minutes elle est à la gare et monte dans le train de sept heures trois. Opérée mercredi la grande duchesse qui était en pleine forme le lendemain et avait un arrêt de travail de deux jours, s'est sentie moins bien au fur et à mesure des journées. Hier soir elle se sentait au bord du trépas. Mais la grande duchesse avait trop envie de retravailler: si elle prolongeait son arrêt, bonjour l'enfer, vu la tonne de lessive, de ménage et de repassage qui l'aurait narguée toute la journée. Sans compter le reste. Non, mieux valait mettre de la distance avec ces corvées et retourner bosser !

Comme le centre commercial de la gare Saint Lazare ouvre à 7 heures et demie, c'est pain béni pour la duchesse. Hop, un petit tour chez Séphora où elle s'asperge de N° 5 de Chanel, hop la nouvelle formule de Libération (koua? la duchesse est bobo?) , qui est "vraiment à chier" jugea d'ailleurs la duchesse, hop la voilà sur le parvis de la gare où elle aime que le ciel grand ouvert toujours à cet endroit la saisisse. (Quelle sensibilité cette duchesse, c'est inouie).

"C'est fou je vais très bien" pensa-t-elle en marchant joyeusement vers le métro tout en recevant et répondant à deux textos (la petite duchesse qui demandait "c'est à quelle heure déjà que j'ai RV chez la dermato?" et une collègue qui disait "tout est bouché- j'arrive quand je peux- à toute").

Dans le métro, la duchesse regarde le peuple, c'est tellement plus amusant que les trajets en mercedes. Quel peuple bigarré ! Des noirs partout! C'est vraiment amusant.

Il est 9 heures moins vingt quand elle arrive devant l'immeuble de son travail. Son chef fume une cigarette, il lui fait un petit signe. La duchesse ne sait pas l'interpréter. Est-il déçu de la revoir? Est-il content? Ou il s'en fout? Oui, il s'en fout. La duchesse n'a de toute façon aucune intention de discuter de ses ovaires avec son chef. En plus qu'il ne s'agit pas de ses ovaires. Ni avec personne. Même si elle a mis tout le monde au courant avant de se faire opérer. (N'est-ce pas, elle a ses petites contradictions). Et heureusement il y a une autre actualité, une jeune collègue qui revient de dix jours de vacances en Jamaïque. Tout le monde, va savoir pourquoi, lui demande "T'as mangé des mangues?" comme si c'était une question fondamentale. "T'as mangé des mangues?" demande aussi la duchesse.

La collègue répond d'un air langoureux: "des mangues...du poisson...des crevettes...". Un ange passe avec une corbeille de fruits et un filet de pêche.

Mais déjà voilà les stagiaires. (Il y a des stagiaires au travail de la duchesse) . Ce matin ils sont tous obèses. La grande duchesse les regarde. C'est quand même dingue. Tous. Tous obèses. Une coïncidence. Toute la journée ils se traineront dans les couloirs. Mangez des mangues !

Dans son grand bureau ministériel, la duchesse ravie de retrouver sa corbeille à papier, son portemanteau et son agrafeuse, vaque à ses dossiers d'un air las important en attendant l'heure de la cantine. Jusqu'à midi elle répond à plusieurs demandes d'interview elle va deux fois aux toilettes, trois fois à la photocopieuse, et une fois à la machine à café. C'est crevant. Elle se demande si elle n'a pas présumé de ses forces et finalement ne va pas aller se plaindre à qui veut l'entendre. Quand elle se souvient qu'elle est duchesse.

Alors elle redresse la tête -comme son port est altier !-, taille courageusement un crayon, tapote une pile de fax, sourit à un pigeon qui passe dans le ciel: la grande duchesse a repris son travail la grande duchesse est un bourreau de travail. Elle a trop de responsabilités. La marche du monde pour une grande part dépend d'elle. Oh non, la grande duchesse n'est pas du genre à chougner. La grande duchesse est dure à la tâche. La France est fière de la grande duchesse. La grande duchesse est COMPETITIVE.

 

 

Sous le signe de la perfection