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28/05/2015

Polype et la grande Duchesse (2)

"Bonjour je suis Hélène l'anesthésiste". Sur le foulard sur sa tête il y a des moutons. (On les compte, on s'endort?). "Je vais vous endormir, vous allez penser à un beau rêve, et comme ça vous vous réveillerez dans votre rêve avec le sourire". Bon sang pense la duchesse, elle prend les gens pour des neuneus. Elle insiste, Hélène: "Des vacances à la mer, votre mari, des enfants? Vous avez des petits-enfants? Vous avez encore vos parents?". Un brancardier s'en mêle: "C'est quoi votre rêve ?" (L'autre, comment qu'il parle à une duchesse!)." Mon rêve c'est que tu fermes ta gueule et que t'arrête de m'infantiliser comme ça" pense la duchesse. Elle répond seulement: "Mon rêve? Bouffer" parce qu'elle est à jeun. Et puis finalement la grande duchesse est abandonnée là vingt ou trente minutes  avec sa perfusion posée et des espèces de timbres dans le dos. Elle voit les va et vient dans la grande salle de réveil en face une infirmière qui élève la voix "Monsieur Pouetpouet ne remuez pas comme ça , vous allez perdre tout le bénéfice de votre opération, Christian viens m'aider j'y arrive pas". La grande duchesse voit Christian en blouse blanche qui maintient un mec noir qui s'agite dans son lit, puis deux ou trois autres blouses blanches qui rejoignent la première infirmière et Christian et tout le monde y va apparemment de sa petite idée pour calmer Monsieur pouetpouet.

Finalement c'est au tour de la grande duchesse. "Allez, au bloc!" dit une nouvelle infirmière sinistre, en s'emparant du brancard à roulettes de sa majesté pour le pousser. Elle aurait aussi bien  pu dire "Allez,à la chambre à gaz". Pour détendre l'atmosphère la duchesse dit: "C'est pas plutôt des gars qui poussent d'habitude, non?" et d'ajouter très démago -elle peut parfois être extrêmement démago-"pas des pt'its bouts de femme comme vous". Mais le visage de l'infirmière s'éclaircit "Pas du tout. J'ai des petits bras musclés". La grande duchesse pense que les femmes sont folles à vouloir toujours se dévouer comme ça. Qu'il est évident que pousser une grande duchesse de 200 kilogs ce n'est pas une affaire pour une jeune femme de 45 kilogs. L'infirmière très joyeuse soudain "Ya des roulettes". La grande duchesse: "Oui quand même."L'infirmière "Enfin ça dépend du sol". La duchesse: "C'est sûr". L'infirmière: "Des fois ça accroche".

Mais déjà c'est le bloc, déjà c'est la science fiction, c'est Fukushima.Nous sommes au coeur des réacteurs. Les appareils sont d'un bleu givré effrayant. Il fait d'ailleurs un peu frisquet mais c'est pas le moment de faire sa mijaurée. On demande à la grande duchesse "ça ira?" car on attend qu'elle glisse du brancard à la table d'opération . Comme elle a mal au dos et au genou droit, ça ne lui est pas facile. "Prenez votre temps" dit le corps médical. Ce qui signifie: si vous pouviez vous dépêcher un peu, on a pas que ça à faire". Enfin ça y est, la grande duchesse est allongée. "Madame le garrot va vous serrer un peu" dit un infirmier. En effet dit la duchesse qui croit mourir tellement cet abruti on lui serre le bras. "Mmmm j'aime pas ça, trop de tension" dit alors l'homme de l'art. La duchesse réduite à néant dit timidement (ah elle a perdu de sa superbe dis donc !)"Et...euh...C'est embêtant?". Elle voit brusquement l'opération reportée. "Ben oui c'est embêtant, j'aime pas trop" dit l'infirmier . La duchesse blémit (phrase géniale: "la duchesse blémit"). "Mais j'ai un bon moyen d'arranger ça. Elle va bien baisser" lance alors joyeusement l'infirmier. La duchesse pense que oui c'est sûr s'il me zigouille ma tension va baisser". Mais son bourreau est passé à autre chose "Je vais vous mettre un masque et vous allez bien souffler dedans, bien fort, et penser à votre rêve" (Putain,  il est de méche avec Hélène).Et il ajoute" Je vais vous mettre un produit qui va vous faire tourner la tête". Mais POURQUOI IL DIT CA CE CON? (La grande duchesse est trop grossière). Et elle s'endort.

Quand elle se réveille (bah oui, elle se réveille) elle fait un gros dodo derrière des rideaux jaunes d'or (c'est un progrès par rapport aux autres rideaux jaune-moche si vous avez lu l'épisode 1, sans quoi vous ne pouvez rien mais rien comprendre) dans une salle gigantesque, là où Monsieur Pouetpouet tout à l'heure piquait sa crise. On lui fout la paix mais elle entend très bien tout le monde qui vaque à ses occupations. Ceci dit, elle est un peu dans le potage. La duchesse pense d'ailleurs très distinctement "Je suis dans le potage" et elle referme les paupières. A chaque fois qu'elle les rouvre, elle les tient ouvertes un peu plus longtemps. Au bout d'un moment elle s'agace. Quoi? Personne ne se penche sur son chevet? Personne ne vient lui montrer son bébé? (La grande duchesse est désopilante)

Aussi est-elle ravie quand un stagiaire de 3ème ou assimilé lui adresse aimablement la parole: "ça va Madame? vous n'avez pas froid?". Elle répond "non ça va très bien" . Elle ne va quand même pas dire "je suis dans le potage". C'est une duchesse. Mais il est déjà reparti. Il lui laisse un peu de temps pour méditer, penser à Fillon, Jouyet, tout ça, des trucs importants quoi, la vie comme elle va. En fait elle sait bien qu'il s'occupe de plein d'autres patients partout, elle est un peu jalouse. Elle qui ne l'est pas trop; mais là quand même. On leur apprend quoi à ces stagiaires? Il sait ce que c'est une duchesse? une duchesse dans le potage?

"Eh bien c'est parfait" dit-il un certain temps après. "Vous allez pouvoir regagner votre boudoir chambre". Le nouveau brancardier  pousse la duchesse dans les couloirs aussi vite que l'autre. Ils sont balèzes. Il la porte pour la poser sur le fauteuil super pas pratique. Horreur, elle sent son sang qui coule. "J'ai tout dégueulassé le brancard" dit-elle au gars. "Je suis désolée". C'est un duc lui aussi car il rabat pudiquement un bout de drap sur la mare de sang et dit "ce n'est rien". ("parle pour toi"pense la duchesse). A l'infirmière elle dit "je saigne". Elle, furieuse: "Mais ils vous ont rien donné?!" La duchesse a envie de lui dire si, si, qu'ils lui ont donné une serviette hygiénique mais qu'elle l'a mangée. L'infirmière revient avec ce qu'il faut et la pose entre les cuisses de la duchesse qui voit très bien que personne ne perd une miette de ce spectacle et lui enfile une culotte en non tissé cadeau aussi de la maison. Ah ça va mieux, pense la duchesse. Sa tension est bonne et si Sophie Davant n'était pas là dans la télé à la regarder, ça irait. Ma foi potage potable.

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(à suivre)

 

 

 

Polype et la grande Duchesse

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 La grande Duchesse qui se réveille comme d'habitude à 5 heures et demie - la grande duchesse est comme ça- se souvient  qu'elle a le droit de boire un thé avant d'aller se faire opérer car elle est convoquée à 9 heures et l'anesthésiste a insisté : "Si, si vous pouvez boire un thé jusqu'à 6 heures et demie pas de problème" mais la grande duchesse se méfie c'est peut-être un piège. La grande duchesse sera à jeun, la grande duchesse a des principes. C'est une duchesse. Donc la grande duchesse boit avec fierté un petit quart de verre d'eau. C'est aujourd'hui la journée de la Résistance, non? La grande duchesse se voit au Panthéon.

Et qui marche trois heures plus tard sous les arbres fleuris vers l'hôpital? Une duchesse à jeun, sans sac sans rien, avec seulement la Dame de Montsoreau à la main et glissées dedans carte vitale et carte d'identité (ils veulent la carte d'identité maintenant pour t'opérer), c'est une journée splendide pour se faire opérer. La grande duchesse pense: "si je meurs sur la table d'opération, les gens se souviendront, lls diront "c'était une journée splendide, la plus belle journée du mois de mai et elle est morte, comme ça". Certains vingt ans plus tard en sangloteront encore. Bref.

La grande duchesse se dirige vers les ascenseurs. Il est 9 heures moins le quart, elle a RV au 6ème. Arrive alors le plus bel interne que la terre ait porté, un grand brun en blouse blanche très jeune, dépassant l'entendement (de beauté. Et de jeunesse) La duchesse souhaite soudain que l'ascenseur tombe en panne. Quoiqu'il revienne à la vérité de dire que cette apparition céleste, comment dire, voilà: ne la calcule pas (la duchesse a entendu des jeunes parler comme ça, ma chère leur vocabulaire est si amusant!). Hélas voilà le 6ème, bye bye beauté, bonjour vieux lino déchiré.

C'est ainsi qu'à 9 heures dix, la duchesse est introduite dans un salon partagé par trois rideaux jaune-moche, avec une patiente dans chaque espace. A elle on a gardé l'espace du milieu. Dans chaque espace il y a un fauteuil pouvant se baisser, se relever. Et à vrai dire il n'y a rien d'autre. Et sur le fauteuil dans un sac en plastique transparent "de quoi vous habiller et vous pouvez vous habiller maintenant, mais si vous voulez, la charlotte sur la tête à la dernière minute" dit l'infirmière qui comprend bien qu'une duchesse ne peut pas avoir sur la tête une charlotte sans perdre une part de sa majesté. Elle trouve ça désolant qu'il n'y ait pas pour les duchesses de plus jolis chapeaux. C'est toujours très gênant pour les duchesses.

La grande duchesse se déshabille et enfile son tablier en papier qui laisse voir les fesses derrière et ses chaussons en papier. On vient lui faire une prise de sang. Puis on lui demande son nom, son prénom, son âge, son adresse et est-elle bien à jeun ? ("Oui! crie la duchesse) A-t-elle des clous ou des plaques dans les os? Quelqu'un viendra-t-il la chercher? A-t-elle des allergies?- Oui au Petit Prince et à René Char.-Etc. Puis on lui dit d'attendre.

La duchesse ouvre la Dame de Montsoreau mais la télé est allumée en face d'elle tout près, c'est impossible de lire. Grrrr pense la duchesse. En plus c'est Amour gloire et beauté. La duchesse se sent soudain très déprimée. Elle s'assoupit. Elle rêve. (Une duchesse ne raconte jamais ses rêves)..................................................................................................................

Le brancardier est souriant. La duchesse dit "je peux aller à pied au bloc, ça va très bien". Le brancardier ne sourit plus. ll pense qu'elle est toc toc. Et en plus elle menace son emploi. Bon en même temps la duchesse pensait que le bloc était tout près, tu parles, elle fait des kilomètres sur ce brancard, les yeux au plafond- qui n'est pas de la chapelle Sixtine- il va très vite, elle a mal au coeur, il est en plein excès de vitesse. Ah ça y est, brusque arrêt. Il dit "C'est un peu embouteillé". La duchesse rit niaisement. Il ajoute encouragé par ce rire niais: "C'est l'heure de pointe". Ah ah. Ils rient ensemble. La duchesse aime rire avec le peuple. "Je vous mets dans cette pièce en attendant, mes collègues vont s'occuper de vous. Bonne journée Madame". Il est très gentil et d'ailleurs toute la journée tout le monde est gentil.

La duchesse est donc sur son brancard, accolée à un autre brancard, lui-même accolé à un autre brancard. On dirait des bateaux à quai (une poète cette duchesse). Elle se soulève sur un coude pour regarder. C'est un monsieur d'un certain âge à coté. Elle ne sait pas s'il dort ou s'il est mort. Puis deux minutes après, elle sait tout de lui, une infirmière vient lui poser toutes les questions légales pour la dixième fois. Donc j'apprends qu'il est né en 1940, qu'il a pris une douche ce matin, qu'il est à jeun (mais à jeun à jeun? ou il a bu un thé? faut savoir) et qu'il va se faire opérer d'une hernie. On lui demande  plusieurs fois: "de quel côté?" "A droite" répond-il à chaque fois calmement (C'est un duc je pense).

A ma gauche une porte tient avec une bande velpeau.

à suivre

27/05/2015

Sortie et rentrée

photo 2-1.jpgphoto: Louise

Je suis déjà sortie de l'hôpital et rentrée à la maison. Louise m'a offert ces fleurs ravissantes, tout le monde se soucie de moi, c'est vraiment délicieux.