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13/03/2014

La joie donnée par la beauté

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"Tasse d'eau et rose sur un plat d'argent" ,Zurbaran, vers 1630 (d'habitude à la National Gallery mais exposé en ce moment à Bruxelles)

"A gauche l'Egypte, à droite l'Ethiopie"

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Carmontelle (gouache)Les grandes jambes de moustique de Rameau qui était grand et très maigre.

Je ne sais, vraiment pas, parler de la musique. Je ne peux que parler à côté. Donc avant-hier soir au Théâtre des Champs -Elysées, "Les fêtes de l'hymen et de l'amour" cet opéra-ballet de Rameau, représenté pour la 1ere fois le 15 mars 1747 était joué en concert. Oui, enfin je veux dire il n'y avait pas de jeux d'acteur, de costumes, de ballets. Mais un monde considérable sur scène. J'aurais dû les compter. Le choeur au fond, deux ou trois rangées, puis les musiciens, puis les chanteurs, puis Hervé Niquet le chef d'orcheste intrigant.

En lisant les didiscalies (oui moi je dis didiscalies) du livret il roule les r et commente d'un haussement de sourcil ou d'un geste des épaules les phrases merveilleuses comme "A gauche l'Egypte, à droite l'Ethiopie" ! C'est un peu étrange aussi, sur un fil, car c'est bien facile en 2014 de se moquer des didascalies du livret.

Mais bon, il n'est pas (tendrement) insolent avec Rameau mais avec Louis de Cahusac le librettiste ! C'est que c'est l'année Rameau. Et cependant, Rameau qui avait un caractère de cochon (je m'en souviens bien) était aussi un petit rigolo qui avait demandé au prêtre qui lui donnait l'extrême-onction de chanter un peu moins faux si possible.

Sinon j'adore les loges, et les fauteuils individuels dans les loges. Les places étaient comme ça avant-hier. Et mon chéri le plus joli garçon de la salle (j'ai bien regardé). Le périph était fermé pour travaux en rentrant mais on ne s'est pas perdus pourtant. A gauche le tunnel de Saint-Cloud. A droite le chemin par Garches et Vaucresson en suivant les camions.

 

12/03/2014

"Nancy, où c'est impossible de trouver un lustre" ! (Ma soirée d'hier avant Rameau)

goya_les_vieilles_1808.jpgGoya, 1808

"Chez Francis" est une brasserie luxueuse de la place de l'Alma qui porte  mal ce nom bon enfant:  elle n'a rien de bon enfant. J'y suis entrée hier à 18h30 parce que j'étais arrivée en avance pour le concert qui était à 20 heures. J'étais crevée (ça change), et j'avais besoin de m'asseoir. Le chocolat chaud était délicieux, servi avec ce que j'ai cru d'abord une mini-madeleine, mais c'était un mini-financier. Les financiers, ça va bien avec cette brasserie. 6 euros 80, encaissés dans les cinq minutes comme si j'allais partir sans payer, chose qui serait bien impossible. En effet, quatre ou cinq garçons plus ou moins videurs gardent l'entrée, fermée d'un rideau (rouge je crois, décor cocotte 1900).

Mais 6 euros 80 ce n'est rien pour le spectacle. Sur la même banquette que moi, tout près, trois vieilles dames très bien fringuées, très élégantes, surtout la plus âgée. C'était aussi la plus bavarde et celle faisant semble-t-il autorité sur les deux autres. Elle parlait sans arrêt comme dans un groupe de filles de 17 ans. De la mode des tatouages. " Affreux, vraiment affreux" (je suis d'accord avec elle!). Des jeunes filles qui ont des jupes au ras "du derrière" a-t-elle dit (non je trouve ça très joli, sauf si c'est Louise !). De "Nancy, où c'est impossible de trouver un lustre" ! J'ai adoré cette phrase, dite avec la plus grande consternation. De Deauville "Je n'aime plus Deauville" lançé avec vigueur. Etonnement des deux autres. "Maintenant je vais à Dieppe". Elles en choeur: "A Dieppe?!?" "Oui on a trouvé -on, son mari?une amie?- un hôtel fabuleux à Dieppe. On dîne devant la baie (la baie? elle en parle comme de la Riviéra !). Tout est illuminé. C'est très bien!". Stupeur des dames. "Et puis vous savez quoi ? Au petit déjeuner on m'a demandé mon âge. J'ai répondu 82 ans. Eh bien on m'a dit Madame à partir de 80 ans le petit-déjeuner est gratuit !" Elle s'esclaffe ravie, elle qui peut s'offrir tous les petits déjeuners et grands déjeuners de la terre. Elle porte des bijoux somptueux, une veste en shantung rose framboise, des jolies chaussures, je vois ensuite quand elles partent son très beau manteau, et comme elle est courbée, courbée comme une vieillarde, bossue, mais elle est très bien coiffée, tout de suite j'ai envié son argent, oh ce que je ferais avec cet argent ! la vie confortable et sans soucis que j'aurais! Que faisait son mari? Son père? Qui a-t-il exploité, trahi, vendu?

En face de chez Francis, la Tour Eiffel, de l'autre côté de la Seine, brille. A un moment elle dit avec un petit rire étouffé, atroce : "Pfff, je ne la regarde même plus, elle est toujours en face de moi, je ne la vois pas!". Elle habite donc à deux pas. C'est la plus riche des trois.

Son sac à main, magnifique, est posé sur la banquette entre elle et moi. Je pense à tout ce qu'il y a dedans. Elle devine mes pensées. Elle le ramène sur ses genoux. Elles parlent maintenant d'une autre femme. "Elle a 75 ans. Elle a un amoureux". Les autres semblent choquées, dégoûtées. Elle pas du tout. Pleine de commisération: "Que voulez-vous? elle dit que quand elle est seule, elle pleure. alors elle a pris un amoureux. "" Mais il est veuf?" demande l'une. "Je ne sais pas." L'autre insiste:" Mais il n'est pas marié?" "Je ne sais pas répète-t-elle". La  troisième "Si elle va chez lui, c'est sûrement qu'il n'est pas marié". Les deux plus jeunes, genre femmes de militaires, sont passionnées. Elle répond provocante" Bah je sais pas. Elle vient peut-être chez sa femme" "Quand sa femme y est?" s'exclame l'une. "Peut-être" répond-elle. Un ange passe. Elles se lèvent. Dommage pour moi.

La bavarde est très entourée. C'est elle la plus riche et je comprends alors que c'est les deux autres qui ont réglé. Elle minaude" Merci. Mais la prochaine fois, chacun -sic- réglera ses consommations". A l'avance elle ne les invite pas ! Elles s'éloignent, elles sortent. Elles ont disparu. Je ne les reverrai jamais.

J'ouvre le livre de Simon Leys sur Orwell. Je lis quelques pages. Je sors dans la fraîcheur du soir. Je marche vers le théâtre des Champs Elysées tout près, en bas de l'avenue Montaigne, pour aller écouter Rameau. "Les fêtes de l'hymen et de l'amour".