Je m'appelle Jean Cabot

 

 

Je m'appelle Jean Cabot. Je ne sais pas si vous me connaissez. Enfin mon vrai nom c'est Giovanni Caboto car je suis italien ou plutôt vénitien, puisque Venise a été une république jusqu'en 1797, même si je ne suis pas né à Venise ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit. Et quel âge j'ai? Bah grosso modo je suis né vers 1450, calculez. Je crois que vous connaissez les autres, Magellan, Colomb, Vasco de Gama. Mais pas moi. On a tous un peu le même genre de barbe en forme de fesses.(*) En ce moment je bosse pour Henri VII le roi d'Angleterre, ma mission c'est d'aller aux Indes. Je suis un genre de Christophe Colomb, j'ai dix ans de plus que lui. Là en 2013 ça ne fait plus une très grosse différence. Mais enfin, bon. Pour tout vous dire j'ai essayé une première fois et hélas je n'ai pas dépassé l'Islande, le temps était vraiment dégueulasse.

Attendez, je vous montre une photo d'Henri VII, j'en ai toujours une sur moi. D'ailleurs mes copains m'appellent Jean Fayot. N'importe quoi.

 

 

 

 

 

 

 

 

Un autre jour je vous parlerai de la guerre des deux roses, cette incroyable guerre civile anglaise. Elle s'est finie quand il est arrivé sur le trône. Il me bassinait avec cette histoire. C'est pourquoi je voulais partir loin, loin. Et puis je m'emmerdais chez moi. Enfin au cas où ça vous intéresserait on m'a dit qu'un type qui s'appelle William Shake je sais pas quoi, un nom comme ça, a écrit une pièce de théâtre sur ce sujet, c'est "Richard III". Et un autre, Stevenson, un roman qui s'appelle "La flèche noire".Mais tout ça c'est du passé. Et je ne sais même pas si vous avez encore des livres, vous, là, en 2013. (Regardez j'en tiens un dans la main, et voyez aussi mon atlas... Ce n'est pas trés étonnant, à cette époque Venise imprime un quart des livres en Europe, vous vous rendez compte?)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Donc on est en 1497 et là je repars. 18 hommes à bord, dont mes trois fistons. Je ne le sais pas encore mais je vais "découvrir" Terre Neuve et ses bancs de morue. Et dans un an je vais mourir en mer. Pensez de temps en temps à moi comme à tous les marins.

 

 

 

 

 

(*) Magellan: 

 

Vasco de Gama:      

 

sauf Christophe Colomb imberbe. Enfin, on a tous des chapeaux noirs.

Le vent

"Le vent se lève...il faut tenter de vivre", le prochain qui me jette à la figure son bout de cimetière marin, retenez-moi je fais un malheur. Ou sa petite citation de René Char. Ou sa petite blague débile; mon chef en réunion ce matin se croyant malin "ça ne nous rendra pas Mike Brant" dit-il. Tout le monde a ri plus que de raison. Il était tout content. Comme un enfant qui a dit un gros mot et tous les adultes rient. Moi je n'ai pas ri. Pas souri. Plutôt crever.

Le vent se lève. Allons nous recoucher.

 

 

Peder Severin Kroyer (1851-1909)