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08/02/2014

Claudel à Angkor

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" Le lendemain à 9 h. départ pour Angkor à bord d'un bâteau des M[essageries]. Réveil le lendemain à 3 h. Vue des grandes ondes molles et boueuses de l'énorme fleuve sur lequel flottent des matelas de luk binh (jacinthes d'eau). La forêt noyée, puis Angkor. Benkhdaï, puis Taprohm sous la végétation et les arbres dans une atmosphère de décomposition et de fièvre. Les énormes fromagers blancs digérant la pierre encastrée dans leur anastomose, cette racine qui couvre et enserre tout un portique et vient prendre la place d'un des piliers. La pile de Takeo, proportions non plus dans le sens horizontal, mais dans le sens de la hauteur. Le pont d'Angkor Thom flanqué de chaque côté d'une rampe de 54 géants, le premier à 7 têtes, tirant sur le serpent Naga. Le Bayon avec ses pylônes à 4 têtes de Brahma vers les 4 points cardinaux. Dans l'après-midi le temple d'Angkor Vat, masse de moellons brun (limonite) recouvert d'un grès gris, à peu près pareil à celui de Fontainebleau qui dans les cours sous le lichen se couvre de chamarrures d'argent. Longues lignes horizontales et dissymétriques de la façade, percée d'une petite porte. A cet énorme temple on accède par une chatière, répétée, bien visible et exaltée, comme un petit trou noir dans le château central. Tout autour un vaste étang carré, puis une sérié superposée de 3 autres enceintes carrées et entourées de galeries réunissant des pavillons médians, les 2 dernières flanquées d'ananas aux quatre coins.

Tous les pavillons ont la forme d'une croix. Trois portiques télescopés de plus en plus court. Au milieu le grand ananas central sous lequel était l'image de Siva, dieu de l'amour et de la destruction. Il reste les 4 ananas flanquant le motif central. De loin au matin les contours ne paraissent pas nets mais barbelés donnant l'impression d'ailes ou de flammes. L'oeuf ailé, le joyau flamboyant. L'idée est celle de l'étang primitif au milieu duquel un pavillon central comme un lotus. Au-dessus de cette première enceinte (73) s'en élève une seconde (sur un soubassement à lignes brisées pareil à une pile de coussins), puis une troisième, et enfin beaucoup plus haut une quatrième avec le Sanctuaire central. Chacun de ces sanctuaires a la forme d'une croix, il est à la fois fermé et ouvert sournoisement, non pas directement, sur les 4 points cardinaux par un portique à triple voûte télescopée de plus en plus basse, signifiant une ascension par un chemin imposé et caché. En somme superposition comme sur des plateaux de lacs (l'eau thésaurisée et stagnante). Les enceintes comme des retranchements qui défendent contre quelque chose. La noire petite porte unique, le petit trou indiquant l'incorporation à un mystère, à de la nuit encadrée. Les soubassements pareils à des exhaussements artificiels ou encore à un serpent lové. Les sanctuaires aux 4 points cardinaux (rappelant les chérubins) avec le pylône central. Ces sanctuaires de nuit où volent des chauves-souris (elles y volaient déjà) et empuantis d'une odeur à la fois parfumée et infecte (probablement due à leur fiente). Ces joyaux fermés qu'on adore de loin avec leur ver central, cette ostension de blasphème. Ces boites rondes, ces boules, et fermées en plein ciel pleines de nuit et de fiente. Aurais-je vu le temple du Diable que la terre n'a pu supporter ? De là l'étrange rage des dévastateurs, la fureur avec laquelle ils se sont acharnés contre toutes les idoles dont on n'a pas retrouvé une seule même en morceaux, pulvérisées, contre certaines représentations. Partout ces apsaras au sourire ethiopien dansant sur les ruines en une espèce de cancan sinistre. Uniquement des images féminines, de volupté, subsistent. (...)"

 

Journal, octobre 1921, Cahier IV

Commentaires

Pas très emballante, cette description de Claudel. Je déteste Claudel, il a laissé sa soeur mourir de faim dans un asile. C'était un bigot qui menait une vie dissolue. J'ai vraiment totalement horreur de ce type là. Il écrit bien, c'est certain, mais ça n'efface pas le reste.

En fait, je n'ai jamais été tentée pas ces pays d'Asie, trop chaud, trop moite, avec cette végétation qui dévore tout, il y a dans ce climat quelque chose de profondément malsain qui me rebute, même si les fleurs sont sublimes.

Écrit par : Julie | 09/02/2014

Ceci dit il pense un peu comme toi Claudel sur Angkor !

Écrit par : Sophie | 10/02/2014

Oui, mais lui, il a vu, contrairement à moi, et ce n'est pour ça que je vais l'aimer.....

Écrit par : Julie | 10/02/2014

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