01/07/2013
Pourquoi je n'écris pas la suite
Parce que ça ne m'amuse plus, je veux dire la suite de ce billet sur ma visite à l'hôpital américain, ne m'en voulez pas, parce que je ne me suis jamais, mais jamais forcée à écrire ici, parce que la pluie qui passe n'est pas mon journal intime, mon journal intime est beaucoup plus drôle, ah ah ah, vous pouvez pas imaginer, mais il est intime, parce que c'est amusant de raconter à chaud, mais là vraiment ça serait du réchauffé, je ne vais pas écrire lundi soir des choses qui me sont arrivées vendredi matin, parce que ces histoires d'hôpitaux déjà c'est casse-pieds alors je vais pas les ruminer, parce que je pense à autre chose, parce que je me dis que bon on a compris ce que je voulais dire, et que moi ça me barberait de lire la suite, parce qu'en fait je n'aime pas chez les autres les billets avec des numéros, parce que la suite bah la suite, mais il y a des exceptions, parce que je voulais raconter comment en partant j'ai dit à la docteur glaciale et distinguée qu'elle était belle et un court instant elle a été aussi perdue que moi quand dix minutes plus tôt assise devant elle qui était derrière son bureau, elle m'a dit: "je l'ai trouvé" en parlant de mon adénome bénin "enfin- bénin- je- ne- peux- pas -, vous -le- garantir- à cent- pour cent" sur une glande parathyroïde qui détraque mon taux de clacium, "je l'ai trouvé" est-ce qu'on dit ça ?, et là elle était assise et moi debout je partais et j'ai dit ça, elle était assise à son bureau, et ce n'était même pas drôle, c'était trop facile, j'avais tout le pouvoir, elle était complètement déconcertée, j'aurais aussi pu la gifler, il y a des compliments comme des gifles surtout quand ils sont sincères, voilà j'aurais peut-être dit ça si j'avais écrit la suite mais plein d'autres choses aussi.
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Amour sacré de la patrie
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30/06/2013
Simon Hantai (1922-2008)
Simon Hantai, qui est français, né en Hongrie, est exposé en ce moment à Beaubourg. J'aime bien Simon Hantai. Vous trouvez qu'il pourrait dessiner des foulards? Moi aussi! Non je plaisante. C'est beau. Et tout ce qu'il a fait m'intéresse. Sa correspondance avec Jean-Luc Nancy est parue cette année chez Galilée.
Voilà un bout de l'article de Philippe Dagen dans Le Monde du 30 mai dernier:
"...On a employé le mot chef-d'oeuvre. Il se vérifie avec, en 1958-1859, L'Ecriture rose et A Gallia Placida. L'une est faite de textes religieux recopiés avec des encres de divers tons qui, avec le temps, ont produit une harmonie rose. L'autre est une moire picturale faite d'une infinité de petits traits, comme les mosaïques byzantines l'étaient d'une multitude de taisselles. L'effet visuel est extrêmement séduisant, si séduisant que l'on ne perçoit que lui et que, dès ce moment du parcours, il apparaît comme une évidence qu'Hantaï cherche le chef-d'oeuvre, éprouvant au plus haut point le désir de l'harmonie et de la contemplation. Cette conception de l'art comme embellissement de la vie paraît assez désaccordée à l'état du monde, en 1959 comme avant et comme après.
Exercices chromatiques
Cette année-là, Hantaï expérimente le pliage de la toile, froissée, nouée, plongée dans des bains de couleur, puis séchée et retendue sur châssis. De ces Mariales du début des années 1960 aux Tabulas des années 1980, il tire de ces procédés des ressources chromatiques variées, travaillant par séries dont chacune révèle les propriétés d'une technique ou d'une autre, noeuds régulièrement ou irrégulièrement espacés, unique bain monochrome ou plusieurs plongées dans des nuances qui, évidemment, s'harmonisent. De ces manipulations maîtrisées, où le hasard est plus que contrôlé, naissent des abstractions chatoyantes, fleurs jaunes ou pourpres, découpages qui font songer à des vitraux et aux gouaches découpées de Matisse – l'une des références majeures d'Hantaï. Tout cela est d'un goût exquis.
L'ensemble, par ailleurs, s'accompagne d'un discours que le peintre favorise et que ses commentateurs font proliférer, un discours inspiré de Maurice Blanchot sur la destruction, l'effacement, le vertige du blanc et de l'absence. Il a duré jusqu'à récemment, si même il ne dure pas encore. Il a présenté Hantaï en ascète irréductible, une sorte d'Emile Cioran de la peinture. Or ce n'est pas ce que l'on voit dans les salles : nullement une mise en pièces de la peinture, encore moins sa mise à mort, mais des suites d'exercices chromatiques brillamment virtuoses, très élégantes. Critique radicale de l'activité picturale ? Son apologie voluptueuse en vérité, éloge de la peinture pour elle-même, seule, sacrée, hors du monde."
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