Le dernier samedi avant Noël

Pendant des années (15 je crois), le dernier samedi avant Noël passait comme un éclair, c'était le jour le plus chargé de l'année quand je vendais des livres, un jour frénétique et heureux, qui faisait rêver d'un monde où cela aurait été comme ça tous les jours, des gens les bras pleins de livres et parfois de livres magnifiques. ("Et de daubes" diront les grincheux mais si on les écoutait on pourrait tout de suite mourir. Et parfois ils ont tort. Oui oui, il leur arrive d'avoir tort.).

Et puis maintenant je ne vends plus de livres, depuis longtemps, mais la nostalgie du mois de décembre dans cette espèce d'euphorie de livres, ne passe pas. Elle est là. Il y a quelque chose de très agréable dans la vente, j'ai beaucoup aimé cette circulation des livres, dans la première partie de ma vie, ces moments de rencontre très courts avec des clients qui cherchaient tel ou tel titre, leurs visages un instant, leur façon de demander, ce moment où le livre passe d'une main à une autre, j'ai adoré ça, et j'ai adoré vendre aussi, que le chiffre d'affaires grimpe, que les étagères et les présentoirs se vident et le 24 refourguer tous les invendus.

Aujourd'hui bien sûr je n'y mettrais pas un pied. Je ne fais pas grand chose. Des lessives. Du pain d'épice. Je regarde le sapin. Le balcon est ouvert et il fait doux comme au printemps. Hier soir on a loupé un concert extraordinaire, j'avais pris depuis longtemps des places pour Andréas Scholl chantant des cantates de Bach, et puis contretemps. Là ce sont les oiseaux que j'entends. Et la route au loin. Et je crois un avion.