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21/12/2014

Le sport

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...Et donc, face au jury moqueur, j'ai séché mais alors vraiment séché sur plusieurs questions  sportives et le jury a cru que j'étais prétentieuse, que je méprisais le sport, par exemple je ne savais pas qui avait gagné le tour de France et à partir de là  j'ai perdu pied, et puis il y a eu le reportage. On avait une journée pour écrire un papier sur un sujet tiré au sort et j'étais tombée sur l'ouverture toute fraîche du premier magasin Habitat en France à Montparnasse. Je devais bien sûr, ce n'était pas dit, mais il fallait le comprendre et c'était évident, ça tombait sous le sens,  interviewer le directeur, des vendeurs, des clients, mais je n'avais pas pu, j'étais terrorisée. Donc j'avais à moitié tout inventé mais sans être assez gonflée pour aller jusqu'au bout de mon invention, et voilà, j'ai été recalée. Au demeurant, j'avais trouvé cet échec complétement mérité: je n'étais pas faite pour ce métier, beaucoup trop timorée, zéro maturité, c'était bien fait pour moi. Me voilà donc à l'automne à Nanterre en fac de droit. Tout aussi terrorisée. Surtout par les graffitis dans les toilettes. En plus j'étais poursuivie par un camarade qui s'appelait Guy, il était très assidu, je le trouvais atroce, il écrivait pour moi des espèces de textes lugubres moitié érotiques moitié macabres, qui me dégoûtaient, ça me déprimait complétement. Il me collait dans tous les amphi, c'était horrible.

Au bout d'un semestre j'ai arrêté, consciente que là quand même, arrêter comme ça mes études, ça commençait à faire beaucoup pour mes parents. Ils n'avaient pas tout vu.

Combien d'années ont passé ensuite, de petits boulots multiples en déménagements successifs, d'envol à 20 ans, de chambre de bonne glaciale en studio glaçant, d'amours en larmes et de quatre cent coups effrayants ? Sept je crois.

Et me voilà après Saint-Malo, Dijon, et Rennes, à Paris. J'avais écrit à plein de librairies. Seule la Fnac m'avait répondu, je m'en souviens très bien, me donnant RV pour un "premier" entretien. Assise en face d'un petit barbu se présentant comme  responsable du recrutement, je réponds à des questions innombrables, en particulier sur la poésie. Je crois, je sais , que les entretiens de recrutement, ne se passent plus du tout comme ça. D'autant qu'avant j'avais passé des tests "psychologiques"- ça aussi ça  n'existe plus- et j'étais passée par le filtre de l'analyse graphologique (disparue aussi). Après ce premier entretien j'en avais eu un deuxième avec la responsable de la librairie qui s'appelait Isabelle S. Comme elle avait semblé intéressée par ce que je lui avais raconté sur la Comtesse de Ségur (!) je pensais que j'irais au rayon des livres d'enfants.

Trois jours après elle m'appelait, me disant ok vous commencez le 1er décembre (1980) au rayon Vie pratique. Vie pratique ? Alors ça, moi à la vie pratique alors que ne le la trouvais vraiment pas pratique, c'était pas mal ! J'avais un contrat d'un mois. J'étais très heureuse.

Le premier décembre il neigeait.

Mon chef était chauve, me semblait vieux, je pense qu'il avait trente cinq ans; j'en avais 26. Il écrasait ses cigarettes sur la moquette des réserves. Oui, les réserves avaient de la moquette. Et il fallait déjeuner avec lui à la cantine avec Pudespieds. Pudespieds était un vendeur de la vie pratique que tout le monde appelait comme ça dans  son dos. Enfin, j'ai cru au début que c'était obligatoire et pendant dix jours j'ai mangé avec Patrice (le chef) et Pudespieds. Qui sentait beaucoup des pieds mais était également très désagréable, imbu de sa personne, et appliqué à ne donner aucun renseignement, aucune aide, aucune réponse fiable, aux nouveaux qui commencaient.

(à suivre)

Des vocations

00-Rouart-Massifs-de-fleurs.jpgMassif de fleurs, Henri Rouart

 

17 ans à la Fnac ? Tu as travaillé 17 ans à la Fnac ?

Je vous raconte.

Je n'ai jamais eu de vocation. A part fleuriste, hôtesse de l'air et carmélite. Mais bon, c'était des vocations avant treize ans. Disons qu'elles n'ont pas résisté à la puberté. Donc je suis allée au lycée poussée par aucune idée précise de métier. D'ailleurs je ne me voyais pas d'avenir, je pensais tout le temps que j'allais mourir la semaine prochaine. Je me sentais en sursis permanent. Je me suis même débrouillée pour tomber follement mais follement amoureuse d'un garçon qui était en seconde quand j'étais en terminale ce qui rendait impossible, convenez-en, que j'aie mon bac sinon je ne l'aurais plus vu. Etant donné que ma première année de terminale on ne se parlait pas. Donc j'ai eu 3 en philo. Je ne me souviens pas du sujet. Seulement que ce 3 et quelques notes sans doute du même genre, m'ont fait redoubler à ma joie extrême, comme je l'escomptais bien, vraiment, sincèrement. A la rentrée suivante il était en première et moi en terminale. Je n'étais pas pressée par quoi que ce soit. En plus mon année d'avance me déculpabilisait. Enfin l'année d'avance que j'avais. Et puis mes parents n'avaient fait aucun commentaire. J'ai retrouvé donc à la rentrée Philippe B. Il est devenu psychiatre. Bon enfin ce n'est pas le sujet. Tout ça pour dire que quand l'année d'après j'ai eu mon bac, après une année de cours de philo par correspondance parce que oui quand même mes parents avaient fait ça, ils ne l'avaient pas montré mais avaient dû être consternés par ce 3 brillant, et j'ai eu 15, et toujours aucun souvenir du sujet et re -d'ailleurs je n'ai jamais tellement aimé la philo dans la vie, je crois que je n'ai pas l'intelligence de la philo, on (on masculins bien sûr) m'a souvent dit avec des airs consternés "tu es hermétique aux raisonnements"- oui un peu avant d'avoir mon bac eh bien ça m'a pris d'un coup j'ai eu envie d'être journaliste. J'aimais bien écrire et j'étais curieuse et j'aimais les journaux. Je m 'étais donc inscrite au concours d'entrée de l'Ecole de journalisme de la rue du Louvre et il me semble que j'ai passé l'écrit avant celui du bac. Les épreuves ne m'avaient pas semblé difficiles. je m'étais plutôt amusée. Et j'ai été admise à passer l'oral en septembre, j'avais passé victorieusement la première sélection, j'aurais dû sauter de joie car nous n'étions pas des tonnes dans ce cas là, mais je ne m'en suis pas rendue compte, et mes parents toujours avares de commentaires négatifs comme positifs ne m'ont pas spécialement dit "allez c'est génial bosses dur cet été et c'est à portée de ta main, c'est extra". Mais ils n'étaient pas du genre à dire "c'est génial" ni à dire "bosse", ce n'était pas le style "encourageant" ni ni le style à exercer quelque pression que ce soit. Mes parents nous foutaient la paix. Ils considéraient qu'on était responsables de nous. On voit où ça m'a menée !!!

L'été s'est passé à la campagne en charente. Je savais que l'oral serait composé de passages devant le jury sur des questions d'actualité liées à l'été et qu'il y aurait des reportages à faire. J'ai donc lu Le Monde chaque jour avec application d'un bout à l'autre, tout en demandant des éclaircissements à mes parents sur tel ou tel sujet ou en cherchant dans des livres, je me souviens que j'en avais bavé avec la guerre du Vietnam. (C'était l'été 1972, j'avais 18 ans). Mais enfin tout ça m'intéressait. Et je suis allée aux épreuves orales assez tranquillement.

J'avais oublié deux choses: 1/ Je n'avais rien révisé concernant l'actualité sportive. Je n'y avais même pas pensé. 2/ J'étais d'une timidité dévorante.

Fâcheux, fâcheux !

( à suivre bien sûr !)

 

20/12/2014

Pendant des années

58883471.jpgErnest Rouart

Pendant des années j'ai passé le mois de décembre dans l'euphorie des livres parce que je travaillais à la Fnac. Je crois que j'ai passé 17 Noël dans différentes Fnac. 17  mois de décembre merveilleux! Aujourd'hui mon dernier Noël en magasin date de 1997, mais ma nostalgie ne passe pas. Quand décembre commence chaque année, je regrette cette époque, cette folie, cette dinguerie, le magasin plein de gens à craquer, plein de livres, les réserves bourrées de centaines de cartons, les piles géantes, les magnifiques livres d'art qui ne se vendent qu'à ce moment, les livres d'enfants, les pléiades, les poches vendus dans des coffrets, les dictionnaires, les Larousse avec chaque année leur habit de Noël, le rayon droit abandonné mais sinon oh l'effervescence de tous les autres rayons , le travail tous les jours même le dimanche, tous ces livres, tous ces gens ! Les livres sélectionnés dans les journaux, épuisés dés le 10 décembre, alors trouver quoi d'encore mieux proposer à la place, les flop dont personne ne veut,  mais le 24 à 16h des clients dans l'hagardise du 24 à 16h quand il vous manque encore des cadeaux les achèteront, on partagera la même honte et le même soulagement, les trucs inconnus qu'on se promet à soi-même fin novembre de vendre par dizaines et ça marche,  les "et prenez ça avec le Goncourt ça fera une petite surprise au destinataire" -vous le savez ça que j'étais une malade de la vente additionnelle? Hein? Vous ne me connaissiez pas ce côté! Mais j'ai adoré vendre deux ou trois livres à qui venait en chercher un,  vendre des policiers moi qui ne peux pas en lire un, vendre des livres de généalogie, des livres sur les oiseaux, sur les trains, Shakespeare, Peter Handke, des bibles, des poésie gallimard par 6 - "ça c'est un cadeau !" je disais au client- des énormes livres avec des photos de match de foot, des livres de jardinage -jardinez bio!- moi qui ricane du bio, des Tintin "prenez en trois!", je ne sais pas d'où j'ai ce sens du commerce pour les livres. "Mais tu n'as pas de scrupules?" me demandaient des collègues. Des scrupules? Je répondais: "Mais non, je vends pas des armes, et je prends pas l'argent dans leur porte-monnaie ! Ils sont libres". Mais en fait  je les prenais par surprise, ils perdaient tout libre arbitre et parfois me disaient étonnés "ça y est j'ai dépensé tout mon budget cadeau, j'en avais dix à faire mais un seul livre à acheter, et voilà!" Et je disais "Et voilà! Vous m'avez fait plaisir !" Je faisais tout au sentiment, sans vergogne. C'était une drogue. J'en ai vendu, j'en ai vendu, j'en ai vendu !

Vers cette époque, à la fin de l'année, je rêve souvent la nuit que j'y suis encore alors que je dors.