Il la regardait avec des yeux plissés

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 camélia dans la salle de bain -elle fait glauque non comme ça la salle de bain!- (photo: Louise)

 

 

Nous prenons le train ce matin Louise et moi; elle va au lycée, moi au boulot. Parfois ses horaires correspondent aux miens et nous prenons le même train. C'est un bon moment, même si elle descend avec moi, à la moitié du chemin. Ce matin nous avons remarqué ensemble un homme et une femme un peu plus loin dans le wagon, elle dans les quarante ans, lui plutôt quarante cinq  peut-être. Il plissait les yeux en regardant cette femme, en lui parlant,en l'écoutant, c'était charmant. Et elle elle disait: "C'est dingue cette histoire d'avion disparu" mais on voyait très bien que ça lui était égal l'avion, et que pendant qu'elle disait ces mots elle pensait "mais il est vraiment séduisant!" et lui la regardait charmé et attendri. Je n'ai pas cru plus d'une seconde qu'ils étaient mariés. Enfin, mariés ensemble. Ils étaient grands tous les deux. Lui commençait un tout petit peu à être chauve derrière la tête. Quand il s'est levé j'ai vu son dos très large et comme il était très grand c'était beau, mais il était  cependant moins séduisant que de profil. C'est de profil que je le voyais pendant le trajet. Elle, elle était assise en face en biais. Des cheveux de cette couleur qu'on dit miel foncé, un air de Karin Viard a dit Louise. Des jolies chaussures ouvertes noires en daim à talons, un jean foncé très bien coupé, une veste en cuir noir souple, pas vulgaire, très jolie (la veste, mais elle aussi), pas maquillée. Lui avec aussi une grande veste en cuir noir et un costard en dessous et une moche cravate bleu gris.

Louise était d'accord avec moi: "Oui ils sont beaux" et ce qui était beau c'était cette chose entre eux  impalpable mais tellement présente, le fait qu'ils se plaisaient et qu'ils en étaient légèrement troublés, toute grandes personnes qu'ils étaient.

Elle s'est levée à La Défense. Il est resté pensif, rêveur jusqu'à saint-Lazare après son départ.