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12/04/2013

L'éventail de Madame Lemaire et le noyau de Madame Verdurin + "Un amour de Mélenchon"

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C'est Solko en l'évoquant dans son dernier billet  qui m'a fait re-penser à Madame Verdurin. Elle surgit drôlement à pic dans son billet qui s'appelle "Le statut des commentaires".

 

Du coup je me suis demandé  si Madame Verdurin existait vraiment, enfin, si elle avait existé, -probable- , et donc qui elle était. Plusieurs possibilités apparemment. J'aime celle de Tadié, parce que j'ai trouvé son éventail. A elle, pas de Tadié. Elle était peintre et s'appelait Lemaire, pas Georgette (qui ne dit rien à personne ici -oh si! qui va dire "moi"?!) mais Madeleine (oui bon, elle s'appelle en vrai Madeleine) et tenait le mardi soir un salon rue de Montceau où Proust fut invité à partir de 1892. Il était très jeune, il avait 21 ans.

Elle peignait des fleurs, des roses (certains l'appelaient "la massacreuse de roses" !), du lilas, des éventails.


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La vraie (parce que la vraie c'est celle de Proust bien sûr):

"(Mme Verdurin:)...j’ai connu des gens du monde qui passaient pour être agréables, hé bien! à côté de mon petit noyau cela n’existait pas. Je vous ai entendu dire que vous trouviez Swann intelligent. D’abord, mon avis est que c’était très exagéré, mais sans même parler du caractère de l’homme, que j’ai toujours trouvé foncièrement antipathique, sournois, en dessous, je l’ai eu souvent à dîner le mercredi. Hé bien, vous pouvez demander aux autres, même à côté de Brichot, qui est loin d’être un aigle, qui est un bon professeur de seconde que j’ai fait entrer à l’Institut tout de même, Swann n’était plus rien. Il était d’un terne!» Et comme j’émettais un avis contraire: «C’est ainsi. Je ne veux rien vous dire contre lui, puisque c’était votre ami; du reste, il vous aimait beaucoup, il m’a parlé de vous d’une façon délicieuse, mais demandez à ceux-ci s’il a jamais dit quelque chose d’intéressant, à nos dîners. C’est tout de même la pierre de touche. Hé bien! je ne sais pas pourquoi, mais Swann, chez moi, ça ne donnait pas, ça ne rendait rien. Et encore le peu qu’il valait il l’a pris ici.»

 J’assurai qu’il était très intelligent. «Non, vous croyiez seulement cela parce que vous le connaissiez depuis moins longtemps que moi. Au fond on en avait très vite fait le tour. Moi, il m’assommait. (Traduction: il allait chez les La Trémoïlle et les Guermantes et savait que je n’y allais pas.) Et je peux tout supporter, excepté l’ennui. Ah! ça, non!» L’horreur de l’ennui était maintenant chez Mme Verdurin la raison qui était chargée d’expliquer la composition du petit milieu. Elle ne recevait pas encore de duchesses parce qu’elle était incapable de s’ennuyer, comme de faire une croisière, à cause du mal de mer.Je me disais que ce que Mme Verdurin disait n’était pas absolument faux, et alors que les Guermantes eussent déclaré Brichot l’homme le plus bête qu’ils eussent jamais rencontré, je restais incertain s’il n’était pas au fond supérieur, sinon à Swann même, au moins aux gens ayant l’esprit des Guermantes et qui eussent eu le bon goût d’éviter ses pédantesques facéties, et la pudeur d’en rougir; je me le demandais comme si la nature de l’intelligence pouvait être en quelque mesure éclaircie par la réponse que je me ferais et avec le sérieux d’un chrétien influencé par Port–Royal qui se pose le problème de la Grâce.

«Vous verrez, continua Mme Verdurin, quand on a des gens du monde avec des gens vraiment intelligents, des gens de notre milieu, c’est là qu’il faut les voir, l’homme du monde le plus spirituel dans le royaume des aveugles n’est plus qu’un borgne ici. Et puis les autres, qui ne se sentent plus en confiance. C’est au point que je me demande si, au lieu d’essayer des fusions qui gâtent tout, je n’aurai pas des séries rien que pour les ennuyeux, de façon à bien jouir de mon petit noyau".

A la recherche du temps perdu.

 

 

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calendrier illustré par Madeleine Lemaire



 Et celle de Patrick Besson:

"Un amour de Mélenchon"

 

"Quand je le vis pour la première fois pénétrer dans le salon de Madame Verdurin, j'eus pour le député européen Jean-Luc Mélenchon (élu en 2009) une sorte de curiosité attendrie, et me demandai, sans le moindre soupçon d'arrogance, mais avec une crainte diffuse du traitement que les habitués du "petit cercle" allaient lui réserver, comment il allait se comporter dans cette arène et, pour prolonger la métaphore, quel genre de taureau il serait sous les banderilles, les lazzis et les coups d'épée de la petite bande.

J'eus peur pour lui dès que je vis que tous ses regards se dirigeaient vers notre Odette qui n'en était pas à sa première victime parmi les hommes politiques, qu'ils fussent de droite ou de gauche, mais il faut mettre au crédit de la Patronne qu'elle traitait mieux les courtisans de gauche d'Odette que ses amoureux de droite. Madame Verdurin n'oubliait pas ses années dreyfusardes.

M. Mélenchon, tout embarrassé de lui-même qu'il semblait être dans ses costumes de confection et ses chaussures abîmées, serait sans doute mieux traité par la Patronne, donc par nous, donc par Odette, puisque les femmes se plient aux us et coutumes d'un groupe social avec beaucoup plus de facilité que les hommes, avec une sorte de souplesse innée qui relève sans doute de la génétique, que les Morin, Douillet, Juppé, Santini, Ferry, Borloo, Besson, Balladur et Baroin que nous avons eu l'amusement de voir se traîner aux pieds d'Odette pendant un certain nombre de mois. Mlle de Crécy avait envers les hommes un empressement froid qui les trompait deux fois : quand ils cédaient à sa gentillesse, et quand ils se heurtaient à son indifférence.

Envoûtés puis blessés, ils devenaient des plaies béantes qui suppuraient sous nos yeux blasés, jusqu'à ce qu'ils finissent par se dissoudre dans l'atmosphère afin soit de se rendre au cimetière les pieds devant, soit d'aller en HP les pieds de travers, soit de rentrer dans leur foyer en traînant les pieds. Ces allées et venues amoureuses, si elles amusaient Mme Verdurin et faisaient jaser les habitués du "petit noyau", ne provoquaient chez Odette qu'une moue incertaine, pâle, presque interdite. À leur sujet, elle se passait du moindre commentaire, probablement parce que son esprit n'en concevait aucun.

Pourquoi choisit-elle Mélenchon plutôt qu'un autre ? Tout de suite, elle fut ravie, comme fascinée par les discours interminables, bousculés, pugnaces, imagés, incendiaires et vagues du député. On la vit en peu de semaines changer d'attitude, et même d'habillement. Elle délaissa les ruchés, les volants, les bouillons de dentelle, les effilés de jais perpendiculaires pour de simples tenues sombres et droites d'institutrice quaker ou de gouvernante australienne sous lesquelles sa poitrine invisible n'en était pas moins rebondie et palpitait comme un oiseau sur le point d'être capturé par un ornithologue.

Pour lire les ouvrages que, chaque soir ou presque, le député lui glissait discrètement sur les genoux sous le regard amusé de la Patronne et de tout le "petit clan", elle fit l'acquisition d'une paire de lunettes Afflelou (ce qui lui permit d'en avoir une seconde pour 1 euro) et passait désormais ses journées plongée dans Marx, Engels, Bakounine et Jaurès, avec une préférence assez nette pour Engels, parce que, disait-elle, il avait quelque chose du chic anglais si important pour elle, même maintenant que sa vie avait changé d'orientation politique et sociale.

Quand Mélenchon - que tout un chacun chez les Verdurin appelait désormais Front de gauche - se présenta à la présidence de la République, il y eut chez notre Odette une clarté lunaire, phosphorescente, incandescente, qu'aucune de ses anciennes pratiques ne lui avait jamais vue. Le mariage fut décidé en un rien de temps, et il eut lieu à la mairie du 20e arrondissement où résidait Front de Gauche et où Mme Verdurin, se plut-elle à dire pendant la cérémonie, mettait les pieds pour la première fois de sa vie."


P. Besson, dans le n° du Point du 25 janvier 2012


         

 

Commentaires

Amusant, je ne sais pas si le second texte est de besson, ou si c'est un texte de Proust "revisité".

Écrit par : Julie des hauts | 13/04/2013

Chère Sophie,
Vous me donnez envie de relire PROUST, mais si je le fais, c'en est fini des courses, de la cuture, ,de mon courrier, de mon blog, de tout...je ne ferais que ça !
Je me demande si vous recopiez tout sur le clavier, ou si vous le photocopiez dans le livre de Proust ? Vous devez alors taper drôlement vite et sans fautes..D.e Proust ou de vous, c'est bien intéressant à lire, surtout quand on met un visage sur les acteurs.
Pour moi Swann dévait être un beau paresseux et Madame Verdurin, plutôt insupportable...quant à Monsieur Melanchon...je ne sais ......M.L.
PS: Julie, avez-vous vu le soleil ? L'Orléanais est toujours dans le gris, ce n'esdt pas normal. Le magnolia du jardin n'est pas tout rose, ses pétales sont gris aussi !

Écrit par : meregrand | 13/04/2013

Je n'ai aucun mérite chère Mèregrand, voilà comment je fais et vous pouvez le faire sans problème: vous allez dans "édition"après avoir noirci le texte que vous voulez "recopier", vous cliquez avec la partie droite de la souris sur "copier" ,vous allez là où vous voulez qu'il apparaisse, vous retournez dans édition et vous cliquez sur "coller" et le texte s'affiche automatiquement. Essayez! C'est magique!

Écrit par : Sophie | 14/04/2013

Mère Grand, oui, le soleil se montre par intermittence aujourd'hui. Matin un peu gris, mais sans pluie, alors qu'il est tombé des cordes et de la grêle hier. Aujourd'hui, le ciel s'est bien éclairci, la température est presque normale, il était temps !

Écrit par : Julie des Hauts | 13/04/2013

Pas assez vieux pour avoir connu Madeleine, mais bien connu Georgette, oui. Elle rivalisait de goualante avec Mireille pour succéder à Edith le dimanche après-midi sur l'unique chaîne de télé. Ma mère écoutait ça tandis que je me faisais ch... en regardant la barre d'immeuble d'en face. C'était aussi la grande période de Michel (Lancelot).
Un autre style.

Écrit par : solko | 13/04/2013

Ah j'aurais daté ses années de gloire à elle un peu avant l'époque Campus, c'est à dire elle avant 68 et lui à partir de mai 68 quelque chose comme ça....Enfin bon c'est pas loin en effet!

Écrit par : Sophie | 14/04/2013

J'ai une furieuse envie de lire Proust, depuis le temps que j'en rêve

Merci à Sophie pour ses belles recherches et ce temps

Écrit par : jos | 13/04/2013

Mais oui, il y a plein d'éditions de poche, tu verras c'est un délice

Écrit par : Sophie | 14/04/2013

Ah! L'Eventail!

Écrit par : Fanfan | 13/04/2013

Moi aussi, je me souviens de Georgette Lemaire. Elle postulait à la succession d'Edith, mais il lui fut préféré Mireille, plus jeune, plus malléable, et bien dirigée par son manager. Je me souviens qu'il se disait que Georgette faisait ses petites lessives dans le lavabo de l'hôtel, et faisait elle-même ses teintures.....

Je me demande (parfois) ce qu'elle est devenue.

Écrit par : Julie des Hauts | 13/04/2013

Je suis allée me renseigner, Georgette Lemaire souhaite toujours chanter mais elle n'est pas demandée, elle a de petits revenus (source : internet..)

Moi aussi je me souviens d'elle,

Écrit par : jos | 13/04/2013

A une époque elle a été nommée par Mitterrand au Conseil Economique et social; ça m'étonne que Solko ne l'ait pas dit!!!!

Écrit par : Sophie | 14/04/2013

Oui, je me souviens de cette contestable nomination qui avait fait beaucoup parler en son temps, mais il en a eu tellement d'autres aussi bizarres depuis !

Écrit par : Julie des Hauts | 15/04/2013

Merci Sophie, pour vos explications...mon problème c'est le scanner : je ne sais pas m'en servir correctement...quand un de mes fils viendra, je le lui demanderai. J'ai une fin de mois "délirante": Restaurant tous les jours...visites,; fleurs...Je me demande ce qu' "ils" me séservent pour mes 90 ans ! ! ! ! Je vous embrasse M.L.

Écrit par : meregrand | 25/04/2013

Restaurant tous les jours? wow wow wow !

Écrit par : Sophie | 26/04/2013

Les commentaires sont fermés.