C'est la box

 

 

Je ne regardais pas beaucoup la télévision. Disons que je la regardais quand même dans les périodes avant les élections. Par goût pour les hommes politiques, la façon dont ils parlent, esquivent, reviennent sur un sujet, mentent, assassinent, se trompent. exactement comme chacun de nous. Mais là il y a comme une loupe. Et puis de temps en temps je regardais les infos, un opéra quand il y en a, une émission, très rarement (jamais?) un film. Et la publicité. Je sais c'est horrible mais j'aime bien la publicité.

Louise regardait plus souvent, allumant la télé souvent en rentrant, regardant des conneries, nan mais Loulou c'est vrai tu es d'accord, ou alors des matchs de foot (Louise aime les matchs de foot). Mon chéri lui, c'est simple, il abomine le monde entier  la télévision.

Bon. Et voilà qu'il y a deux mois, deux mois et demi, un beau jour, la télé ne marche plus. Elle n'est pas en panne. "C'est la box". Curieusement le fait que ça soit "la box" déplace un peu la question. Ce n'est pas la télé qui est cassée. C'est la box qui ne marche pas. Le non-fonctionnement est renvoyé à des complications informatiques que personne n'a envie d'affronter, alors que si la télévision était cassée il faudrait la réparer ou la remplacer, ce serait simple, et à l'heure qu'il est la télé marcherait.

Ainsi il n'y a plus de télé. De temps en temps Louise proteste vaguement. Mais vraiment pas beaucoup.

Absinthe ne dit rien. Vladi quand il vient: " Toujours pas de télé? Sans déconner?"

Le monde s'est éloigné de moi. Le soir on parle. On écoute de la musique. Ou on fait des trucs chacun dans son coin. Ou on se couche. Le monde s'est éloigné. Avec sa violence et sa précision. Je lis le journal.Mais il n'y a plus d'images du monde qui bougent à la maison. Il n'y a plus de bruit de  générique, de voix connues de journalistes, il n'y a plus de "s'il te plait tu pourrais un peu baisser la télé".

On n'écoutait pas la radio. Il n'y a plus la télé. Il y a Vivaldi, ou rien,  Stromae sur le téléphone de Louise, le rire chatouillé d'Annette la voisine du dessus, les miaous d'Absinthe, nos voix, nos silences, c'est reposant. C'est la box !