Au bal de la rose, ils vivent leur passion au grand jour

 

Ce matin je suis allée me faire faire un électrocardiogramme. Ce n'était pas prévu. C'est l'anesthésiste lundi soir qui me l'a demandé,  et j'ai passé ma journée au boulot hier à chercher un cardiologue qui pourrait me donner un RV d'ici la fin de la semaine. Vu que dans la grande clinique en plein Paris où je me fais opérer il n'y avait pas de place pour le faire (sic) Tiens, ailleurs, macache, c'est pareil ce n'est même pas une question que c'est l'été, c'est une question que les RV c'est dans 6 mois. Vingt fois on me fait la même réponse, où que j'appelle. Pas plus de cardiologue que de beurre en branche.

Tout ça pour dire que j'étais un peu agacée, vu que "pas d'électrocardiogramme pas d'opération" ils ont dit. Et puis au bout du fil une secrétaire d'un cabinet médical me suggère gentiment: "Il n'y a qu'une solution, allez aux urgences". Aux urgences! Pour un truc pas urgent! Enfin pas urgent, je me comprends. Pas grave quoi, et pas à la minute. Juste un petit électrocardiogramme de rien du tout.

Mais bon ça tombe bien, aujourd'hui c'est mercredi je ne travaille pas, zou pour les urgences près de chez moi. Dans une clinique. Après j'essaierai l'hôpital. Parce que je me vois pas trop, en pleine forme ou presque, réclamer un électrocardiogramme là où mon père se mourait sur un brancard il y a trois ans dans une salle commune du désespoir avec quarante autres personnes à touche touche sur des brancards et des médecins et infirmières dépassés, on le serait à moins.

Pouet pouet, j'arrive à la clinique à 8h 15, il ne fait pas encore trop chaud, il fait un temps d'une douceur de rêve. Personne aux urgences dis donc. J'explique mon truc à l'accueil, ils sont un peu circonspects, mais bon, j'ai mon ordonnance, ils me disent d'attendre, qu'ls vont se renseigner. Je fixe Gad Elmaleh qui rit de toutes ses dents sur la couverture d'un Paris-Match avec Charlotte Casiraghi qui sourit de toutes les siennes, elle a un rouge à lèvres framboises et ressemble tellement à sa maman jeune, lui il a un noeud papillon. Le titre c'est "Au bal de la rose, ils vivent leur passion au grand jour". Je tombe dans la photo, vertige de la photo, je ne sais pas combien de temps je suis dedans quand une infirmière, claire, efficace, souriante, parfaite, vient me chercher, m'emmène dans un box avec une fenêtre, me fait l'électrocardiogramme en 2 minutes puis s'en va en me disant "L'urgentiste va venir le lire" (l'électrocardiogramme. Pas le Paris-Match).

Il arrive tout de suite. C'est une splendeur. Il a 35 ans, il est brun, très grand, calme, je le dévore (des yeux). J'aimerais bien être gravement malade, tomber dans les pommes, je sais pas moi, qu'une bombe tombe sur nous. Mais pas genre docteur de roman-feuilleton hein. Pas genre suédois ni italien. Peut-être un genre que vous n'aimeriez pas. Un genre que Clooney franchement à côté de lui est à faire peur de mocheté. A toute vitesse je regarde ses pieds, ses oerielles, son nez, ses mains, sa peau, les poils de ses bras, ses épaules, ses yeux, tout, je vous dis tout est magnifique....Il me dit qu'il n'y a rien dans l'électrocardiogramme mais que vu qu'il est urgentiste il faut un papier signé par un cardiologue. Il dit "suivez-moi". Chic. Il dit: le seul cardiologue est au bloc, il opére, on va monter". Je me pince, je dis" Euh je vous attends là?" Je me vois arriver avec lui au bloc pour tirer le cardiologue par la manche de sa blouse et lui dire "hep, laisse ton opéré deux secondes, voilà un stylo, signe ici mon biquet"! Il dit "Non non venez c'est au 1er". Je me réjouis déjà d'être avec lui dans l'ascenseur mais l'ascenseur n'est pas là, on monte à pied. Je reste sur le palier devant le bloc, je vois des médecins en blouses vertes qui se couchent sur des lits, une espèce d'hallucination sauf que c'est vrai, je suis terrifiée...Et il a disparu.

Il réapparait, et cette fois me demande "attendez-moi". Il fait très chaud. Je crois que je vais VRAIMENT m'évanouir. Je fais le maximum pour mais ça ne marche pas. Il revient avec la signature du cardiologue. On redescend. Je sens que notre aventure brûlante touche à sa fin. Il me fait payer 48 euros. Il me dit "bon courage pour la suite". Je dis "vous aussi". Nos deux dernières répliques sont bouleversantes. Dans la salle, les spectacteurs debout applaudissent. On nous lance des bouquets.