Souzinsaul

hier matin devant la gare

 

Hier matin, il était sept heures et demie et j'étais un peu en retard, il faisait bon, frais, l'air sentait bon la campagne car ici c'est un peu la campagne si on respire fort, et surtout tôt le matin, il y avait cette fraîcheur que j'aime tellement le matin car le matin je suis toujours heureuse, j'ai toujours l'impression d'être vivante, de respirer, que c'est le premier matin du monde et que j'ai dix sept ans, et après au fur et à mesure que la journée avance ça se gâte, on peut même dire que le soir j'ai deux cent ans, et donc en arrivant devant la gare, sous un des deux saules -avant il y en avait trois, l'un a été abattu d'un coup de mitraillette dans le dos il y a quelques années- j'ai vu cette scène adorable, tous les deux habillés en clair, lui un peu plus âgé qu'elle, lui mince, petit, avec sa casquette, elle volubile, mastoque,  et sans doute casse-bonbons, et la rencontre de leurs chiens dont le volume était à l'inverse du leur,lui le gros chien, elle le petit chien.

J'ai traversé très lentement le carrefour pour écouter ce qu'ils disaient, pas tant les mots que la musique de calme et de paix que cela faisait dans ce matin d'été: deux humains tranquilles, éternels, qui sortaient leur chien.