05/05/2013
Une correspondance
Vous savez ce que je lis? La correspondance de la duchesse d'Orléans, dite Madame, dite la princesse Palatine (1652-1722), née Elisabeth Charlotte de Bavière. Je ne la connaissais que de nom. Elle n'est pas piquée des vers. C'était la seconde femme du frère de Louis XIV, frère un peu "spécial" aurait dit ma grand-mère, qui avait plein d'amoureux, -le duc d'Orléans- dont un certain horrible Philippe de Lorraine dont on dit qu'il a peut-être fait assassiner Henriette d'Angleterre la première femme du duc d'Orléans.
Donc cette princesse qui était allemande avait son petit caractère et ses lettres en témoignent. Elle en aurait écrit 60 000 (dont 6000 subsistent)! La vache, comme Madame de Sévigné - 1626-1696 dont elle est la quasi contemporaine ? la princesse étant plus jeune que la marquise. Bah, bien + ! La marquise n'en aurait écrit "que "1100 !
La duchesse aime Montaigne et Rabelais, elle est le contraire d'une chochotte et c'est parce qu'il était impossible de faire autrement en ce temps-là qu'elle se retrouve mariée à 19 ans dans la cathédrale de Metz (tiens, pourquoi?) au frère du roi, mariage "arrangé" bien sûr et ce n'est rien de le dire. Et après avoir dû se convertir au catholicisme.
Une de ses lettres est parait-il très célèbre qu'elle écrivit à Sophie de Hanovre (qui c'est celle- là? Sa tante, les jeunes, sa tante, voyons!) ) et où elle décrit la difficulté de "chier à Fontainebleau". La voici. Elle eut l'heur j'ai vu, cette lettre, d'amuser les frères Goncourt qui la firent connaître.
Fontainebleau, le 9 d'octobre 1694
VOUS ÊTES BIEN HEUREUSE d'aller chier quand vous voulez; chiez donc tout votre chien de soûl. Nous n'en sommes pas de même ici, où je suis obligée de garder mon étron pour le soir; il n'y a point de frottoir aux maisons du côté de la forêt. J'ai le malheur d'en habiter une, et par conséquent le chagrin d'aller chier dehors, ce qui me fâche, parce que j'aime chier à mon aise, et je ne chie pas à mon aise quand mon cul ne porte sur rien. Item, tout le monde nous voit chier; il y passe des hommes, des femmes, des filles, des garçons, des abbés et des Suisses. Vous voyez par là que nul plaisir sans peine, et que, si on ne chiait point, je serais à Fontainebleau comme le poisson dans l'eau.IL EST TRÈS CHAGRINANT que mes plaisirs soient traversés par des étrons. Je voudrais que celui qui a le premier inventé de chier ne pût chier, lui et toute sa race, qu'à coups de bâton! Comment, mordi!, qu'il faille qu'on ne puisse vivre sans chier ? Soyez à table avec la meilleure compagnie du monde; qu'il vous prenne envie de chier, il faut aller chier. Soyez avec une jolie fille ou femme qui vous plaise; qu'il vous prenne envie de chier, il faut aller chier ou crever. Ah! maudit chier! Je ne sache point de plus vilaine chose que de chier. Voyez passer une jolie personne, bien mignonne, bien propre; vous vous récriez : «Ah! que cela serait joli si cela ne chiait pas!»
JE LE PARDONNE à des crocheteurs, à des soldats aux gardes, à des porteurs de chaise et à des gens de ce calibre-là. Mais les empereurs chient, les impératrices chient, les rois chient, les reines chient, le pape chie, les cardinaux chient, les princes chient, les archevêques et les évêques chient, les généraux d'ordre chient, les curés et les vicaires chient. Avouez donc que le monde est rempli de vilaines gens! Car enfin, on chie en l'air, on chie sur la terre, on chie dans la mer. Tout l'univers est rempli de chieurs, et les rues de Fontainebleau de merde, principalement de la merde de Suisse, car ils font des étrons gros comme vous, Madame.
SI VOUS CROYEZ BAISERune belle petite bouche avec des dents bien blanches, vous baisez un moulin à merde. Tous les mets les plus délicieux, les biscuits, les pâtés, les tourtes, les farcis, les jambons, les perdrix, les faisans, etc., le tout n'est que pour faire de la merde mâchée, etc.
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04/05/2013
A Honfleur en 1859, Baudelaire rencontre Eugène Boudin
Antibes, les fortifications, Eugène Boudin (1893)
«... M. Boudin, qui pourrait s'enorgueillir de son dévouement à son art, montre très modestement sa curieuse collection. Il sait bien qu'il faut que tout cela devienne tableau par le moyen de l'impression poétique rappelée à volonté; et il n'a pas la prétention de donner ses notes pour des tableaux. Plus tard, sans aucun doute, il nous étalera, dans des peintures achevées, les prodigieuses magies de l'air et de l'eau. Ces études, si rapidement et si fidèlement croquées d'après ce qu'il y a de plus inconstant, de plus insaisissable dans sa forme et dans sa couleur, d'après des vagues et des nuages, portent toujours, écrits en marge, la date, l'heure et le vent; ainsi, par exemple: 8 octobre, midi, vent de nord-ouest. Si vous avez eu quelquefois le loisir de faire connaissance avec ces beautés météorologiques, vous pouvez vérifier par mémoire l'exactitude des observations de M. Boudin. La légende cachée avec la main, vous devineriez la saison, l'heure et le vent. Je n'exagère rien. J'ai vu. À la fin tous ces nuages aux formes fantastiques et lumineuses, ces ténèbres chaotiques, ces immensités vertes et roses, suspendues et ajoutées les unes aux autres, ces fournaises béantes, ces firmaments de satin noir ou violet, fripé, roulé ou déchiré, ces horizons en deuil ou ruisselants de métal fondu, toutes ces profondeurs, toutes ces splendeurs, me montèrent au cerveau comme une boisson capiteuse ou comme l'éloquence de l'opium. Chose assez curieuse, il ne m'arriva pas une seule fois, devant ces magies liquides ou aériennes, de me plaindre de l'absence de l'homme. Mais je me garde bien de tirer de la plénitude de ma jouissance un conseil pour qui que ce soit, non plus que pour M. Boudin. Le conseil serait trop dangereux. Qu'il se rappelle que l'homme, comme dit Robespierre, qui avait soigneusement fait ses humanités, ne voit jamais l'homme sans plaisir; et, s'il veut gagner un peu de popularité, qu'il se garde bien de croire que le public soit arrivé à un égal enthousiasme pour la solitude.»
Charles Baudelaire
22:19 | Lien permanent | Commentaires (10)
Faites l'indicatif 880 si vous voulez appeler le Bengladesh
drapeau national
Dans les usines de textile au Bengladesh, les ouvriers sont payés l'équivalent de 40 dollars par mois. Le bâtiment qui vient de s'écrouler faisant plus de 500 morts (500 morts! Que dirait-on s'ils étaient américains!) était fissuré. Les ouvriers avaient alerté la direction encore la veille de la catastrophe. Et les générateurs installés pour faire marcher l'usine l'ont détruit par leurs vibrations. C'est dans la banlieue de Dacca la capitale. Le maire vient de servir de fusible car averti des fissures il avait laissé l'usine fonctionner. Il est suspendu de des fonctions. Bon, il n'en mourra pas. Et cela changera quoi?
On a entendu le pape François condamner "l'esclavage salarié"de ces ouvriers.
Quelle autre voix a-ton entendue?
Celle de la première ministre (c'est une femme) du Bangladesh qui a dit aux ouvriers en grève après l'effondrement de cet immeuble de huit étages qui contenait 5 ateliers: "hé, gardez la tête froide, reprenez le boulot sinon vous allez le perdre".
(Toujours pensé que les femmes qui disent "les femmes gouvernent autrement" c'est hautement con).
Bon. Et qui d'autres on a entendu?
Personne.
Ici en France on pérore sur l'effondrement des valeurs, c'est vachement plus intéressant. (Il va sans dire que je suis dedans)
14:20 | Lien permanent | Commentaires (2)